Le Mexique et le narco
Courrier international Trois siècles après Locke et Montesquieu |
Le Mexique a peur. La presse tire la sonnette d’alarme. L’opinion publique en a assez. Quelque 1 200 morts depuis le début de l’année, c’est beaucoup. Car il est question ici de morts violentes, genre têtes tranchées et fusillades au coin de la rue… Mais il y a pire que cela. Pourquoi, en effet, cette vague de règlements de comptes ? Parce que les cartels se font la guerre. Cela signifie en fait que ces barons de la drogue, sept familles – plus leurs nombreux affidés et porte-flingues – peuvent agir à leur guise dans le pays. En clair, ils ont détrôné les Colombiens qui eux-mêmes avaient pris le dessus sur les producteurs de coca, boliviens ou autres. Et cela avec de très hautes complicités au plus haut sommet de l’Etat, de la justice et des institutions de sécurité, police et armée.
Le Mexique n’est pas le seul narco-Etat de la planète, on le verra au cours de l’été avec notre série sur les mafias du monde entier. Il n’est pas le seul pays où la séparation des pouvoirs n’est plus observée. Vous savez, cette fameuse séparation entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire imaginée par Locke et Montesquieu. Ou encore ces autres séparations, tout aussi indispensables pour la démocratie, qu’un auteur libéral comme Pierre Manent rappelle volontiers* : la séparation entre l’Etat et la société civile, entre le représentant et le représenté, entre l’Eglise et l’Etat, etc. Or on assiste aujourd’hui à une confusion des pouvoirs de plus en plus grande, aussi bien en Russie que dans les sociétés libérales avancées. Dans le premier cas, la dictature du droit se transforme en un droit de l’autorité. Dans le second cas, le pouvoir économique et le pouvoir politique vont deux par deux, main dans la main.
Quant au quatrième pouvoir – la presse –, il se retrouve bien gêné, contrôlé par le premier, surveillé par le second. Et, malheureusement, quand la séparation des pouvoirs s’estompe et que la presse s’affaiblit, la corruption augmente et les trafics prolifèrent. Comme au Mexique.
* Pierre Manent est l’auteur de Cours familier de philosophie politique (Gallimard, coll. “Tel”, 2004).
Philippe Thureau-Dangi
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