Tout cela a pour moi un petit air de déjà vu. Laissez-moi vous parler d'une expérience qui peu paraître bien lointaine, mais…
Au Mexique, tout a commencé à changer il y a 25 ans déjà. Il fallait suivre le « consensus de Washington » et appliquer des mesures vigoureuses pour réformer le pays pour le plus grand bien commun, nous disaient les hommes politiques. Surtout il fallait faire des efforts et des sacrifices pour rentrer dans la modernité, leitmotiv désormais de toute individu de bon sens et d'idées progressistes, il n'y avait pas de doute là-dessus. Il était évident que le pays avait besoin de se moderniser. De quoi se plaignait le peuple ?
Puis politiquement nous sommes passés du centre à l'ultra-droite, les pouvoirs des entreprises, des médias et de l'église ont noyauté les institutions jusqu'au gouvernement. Ils prennent les décisions importantes la place des citoyens, sans leur rendre compte ; leur but est de gagner de l’argent, pour eux, toujours plus, rien de plus.
Ainsi, en rentrant dans le néolibéralisme, le pays s’est appauvri. Un échec et une ruine annoncée au nom de la modernité, avec une ouverture commerciale et ses traités inégaux, ses privatisations rampantes et anticonstitutionnelles des services tels que l’eau, l’électricité, les autoroutes et le pétrole au profit des multinationales, contre l'avis de la majorité de la population mexicaine.
Le gouvernement n’a plus d’argent et l’agriculture, l’industrie, l’éducation, la culture dépérissent faute de budgets. En ce moment tout est bon a privatiser, il faut toujours se moderniser, le gouvernement est à sec, faute d'investissement les industries nationales ne sont plus rentables, alors il faut les vendre a un prix ridicule, aux amis reconnaissants.
Le résultat ? La dégradation des conditions de vie des paysans, des ouvriers, des syndicats, de la sécurité médicale, de la classe moyenne paupérisée et des petits patrons qui ont vu leurs impôts augmenter, alors que de l’autre côté les grands patrons, les monopoles et les multinationales bénéficient de passe-droits et n’ont pas été touchés. Et que dire des retraités dont les retraites ont été privatisées et restent à la merci d'un retournement boursier.
Tout va de mal en pis mais les hauts fonctionnaires y compris le président de la république augmentent leurs traitements et le budget de fonctionnement des ministères (spas dans les bureaux, réservation dans des hôtels de grand tourisme) alors que la population crève.
Mais no problemo, avec sa magie habituelle, la télévision efface les ressentiments. Nous avons un gouvernement virtuel médiatisé, des spots annoncent que nous allons très bien, que l'on avance, mais les faits sont têtus et ces spots cache-misères coûtent des millions des pesos pour rien au frais du contribuable !
L’église a commencé à briser les « lois de la Reforme » laïque en se faisant chaque jour plus présente dans la vie publique et politique nationale, exige maintenant des cours de religion catholique obligatoires dans les écoles d'Etat, l'impunité pour ses curés pédophiles entre autres...
La politique de "main dure" et la militarisation sont à l'ordre du jour et la lutte contre le narcotrafic fait autant de morts qu'une guerre et peu de résultats, chaque parti étant secondé par "ses" barons de la drogue, à charge de revanche. La militarisation du pays servira plutôt à étouffer la protestation sociale, parce que le peuple n'en peut plus. 25 ans ont suffi et maintenant le pays est en ruine, au bord d’un conflit civil plus grave qu’on ne le croit.
En ce moment, le discours de Sarkozy me semble étrangement familier. Un air déjà connu, le prétexte de la «modernité» selon Washington, seule la nationalité du séide change, on dirait que toutes les droites appliquent le même script, à la virgule près, le doigt sur la couture du pantalon. Pour tout cela j'ai quitté mon Mexique; je ne voudrais pas que la France suive le même chemin. Et le fait que votre pays n'appartienne pas au 1/3 monde n'est pas une assurance sur le futur.