Il y a un an on se demandait encore, et aujordhui on se souvient parce que le fraude on l'oublierait pas!
Le monde diplomatique
mardi 11 juillet 2006
Incertitude au Mexique
Candidat conservateur du Parti d’action nationale (PAN), M. Felipe Calderón a-t-il vraiment remporté l’élection présidentielle du dimanche 2 juillet, au Mexique ? Dénonçant une manipulation du vote « dans au moins 50 000 des 300 000 bureaux de vote », M. Andrés Manuel López Obrador, du Parti de la révolution démocratique (PRD), conteste la victoire de son rival, acquise, selon l’Institut fédéral électoral (IFE), avec une marge infime de 0,58 % des voix (243 934 votes sur un total de plus de 41 millions).
Le Mexique s’est incontestablement démocratisé et un scandale de l’ampleur de celui qui, en 1988, vit le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), tout-puissant, voler une première victoire du candidat de la gauche (à l’époque M. Cuauhtémoc Cardenas) grâce à une « panne technique », paraît de prime abord impossible. Toutefois, nul n’a oublié le « desafuero » – épisode judiciaire qui, en avril 2005, a visé à destituer M. López Obrador de son poste de maire de Mexico et à l’empêcher de se présenter à la présidence (plus d’un million de personnes descendant dans la rue ont alors fait échouer la manœuvre du pouvoir).
La non prise en compte initiale de 3 millions de bulletins par le Programme des résultats électoraux préliminaires (PREP) qui, précipitamment, dès le 2 juillet au soir, a annoncé la victoire de M. Calderón, a attiré l’attention, provoquant les premières contestations. Depuis, le ton s’est durci. Dans son discours du 8 juillet, devant 300 000 personnes, sur le zocalo, à Mexico, M. López Obrador a, pour la première fois, parlé de « fraude ». Son équipe juridique continue de montrer à la presse nationale et internationale les différentes irrégularités commises tant pendant le scrutin que lors de l’annonce des résultats, à 20 heures, le 2 juillet.
M. López Obrador va saisir le Tribunal fédéral électoral (Trife) pour qu’il soit procédé à une vérification « bulletin par bulletin » – ce que le PAN et M. Calderón refusent, assurant que « la journée [des élections] a été exemplaire ». M. López Obrador entend également se tourner vers la Cour suprême de justice pour dénoncer l’ingérence de l’actuel président, M. Vicente Fox, dans la campagne électorale, et le dépassement par le PAN du budget de campagne qu’autorise la loi. Appelant à la même résistance pacifique que lors du « desafuero », le PRD a annoncé une « marche nationale pour la démocratie » à partir du 12 juillet et un vaste rassemblement, le 16 juillet, à Mexico.
Dans la logique des violentes attaques médiatiques menées contre le candidat de centre-gauche avant le scrutin, les chaînes privées de télévision (TV Azteca et Televisa) diffusent toute la journée des spots appelant au respect des résultats (c’est-à-dire la victoire du candidat conservateur).
La justice électorale ayant deux mois pour examiner les réclamations, la proclamation du résultat officiel pourrait ne pas se faire avant le 6 septembre, ce qui rend quelque peu prématurée la démarche de MM. George W. Bush, Alvaro Uribe (président de la Colombie) et... du chef du gouvernement espagnol José Luis Rodríguez Zapatero, qui ont immédiatement salué la victoire de M. Calderón
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Et aussi se dissait celà:
La Démocratie Trahie
Fraude Electorale et Rébellion au Mexique
Par Roger Burbach
CounterPunch — 10 juillet 2006
Plus d'un demi-million de personnes sont descendues dans les rues de Mexico samedi pour protester contre l'élection frauduleuse de Felipe Calderon. Andres Manuel Lopez Obrador [AMLO], le véritable vainqueur de l'élection présidentielle, a déclaré à la foule immense : "Ces élections ont été frauduleuses depuis le début", ajoutant que le président en exercice, Vicente Fox "a trahi la démocratie".
La raison pour laquelle Fox et son Parti d'Action Populaire (PAN) ont frappé un grand coup pour voler cette élection est assez simple : ils sont terriblement effrayés de la rébellion de classe grandissante des pauvres et des opprimés mexicains. Le slogan de campagne d'AMLO était sans ambiguïté : "Pour le bien de tous, les pauvres d'abord". Dans un pays où près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, AMLO a promis de fournir un revenu aux personnes âgées et des soins médicaux aux pauvres. Des millions d'emplois seront aussi créés, en particulier en entreprenant de vastes projets de construction pour moderniser le système de transports de Mexico qui est délabré. Il a aussi promis de renégocier l'ALENA avec les Etats-Unis, et en particulier les clauses qui permettent l'importation de semences bon marché subventionnées qui déstabilise les producteurs agricoles.
Plus importante est la promesse d'AMLO de démanteler la relation économique corrompue qui existe entre la classe des affaires et les bureaucrates gouvernementaux. Tout le monde au Mexique sait que les pots-de-vin et les dessous-de-table sont courants dans tout le Mexique autant que la richesse du pays est écrémée aux dépends des travailleurs et des pauvres. Ce système existait sous les gouvernements précédents du Parti Institutionnel Révolutionnaire, le PRI. Ce qui a rendu ce système particulièrement insidieux sous le PAN est qu'il est, plus que le PRI, le parti d'une élite des affaires bien établie. Avant de devenir président, Vicente Fox s'est construit une immense fortune personnelle - il a même été le patron de Coca-Cola au Mexique. Non seulement Lopez Obrador menace de démanteler le système des traitements de faveur et de corruption intérieure, il proclame aussi que les riches devront payer les taxes sur les revenus et les entreprises qu'ils esquivent régulièrement.
Les preuves qu'il y a eu fraude lors de cette élection sont accablantes. Grâce à l'Internet, les détails les plus révélateurs sur ce qui s'est passé sont publiés par la presse dissidente en ligne. Ainsi que me l'a dit Luis Hernandez Navarro, l'éminent rédacteur en chef du quotidien mexicain La Jornada, "Le processus électoral a été truqué avant, pendant et après l'élection du 2 juillet" (Voir son édito : "L'ombre de 88", en français). En plus de la couverture de Navarro, l'excellente source qui explique la fraude électorale avec des statistiques, des documents et des tableaux détaillés est un article d'Al Giordano pour le The Narco-News Bulletin. Dans son dernier article, il démontre que Lopez Obrador a vraiment gagné l'élection présidentielle d'un million de voix (en anglais).
Les changements proposés par AMLO contre le système politique corrompu sont réformistes, pas révolutionnaires. Ils sont exigés par une population de plus en plus énervée qui secoue une grande partie du Mexique. Les troubles ont commencé en 1994 avec la rébellion de l'Armée Nationale de Libération Zapatiste au Chiapas. Depuis lors il y a eu des éruptions périodiques dans tout le pays. En 2002, des militants habitant San Salvador Atenco, dans l'Etat de Mexico, ont bloqué le bâtiment d'un aéroport international. Plus tôt dans l'année, ils ont utilisé des machettes, des gourdins et des cocktails Molotov pour disperser la police qui essayait d'empêcher 60 marchands de fleurs d'installer leurs stands dans la communauté voisine de Texcoco. Puis juste avant l'élection présidentielle des enseignants d'Oaxaca se sont mis en grève et furent rejoints par toute la population tandis qu'ils ont fermé la ville et exigé la démission du gouverneur PRI de l'Etat.
Le péché d'AMLO aux yeux de la classe dirigeante n'est pas qu'il ait fomenté l'une quelconque de ces révoltes, mais plutôt qu'il répond d'en bas à la demande populaire. Le candidat officiel du PAN, Felipe Calderon, a décrit Lopez Obrador comme un personnage démoniaque et messianique qui ne s'arrêtera devant rien pour mettre la main sur le pouvoir. C'est vrai, AMLO a appelé dans le passé à des manifestations de masse, mais seulement lorsque le système violait le processus démocratique ou piétinait ouvertement les droits des pauvres. En 1995, lorsqu'il y eut fraude dans les élections de l'Etat de Tabasco, AMLO a mené de nombreuses caravanes et de nombreuses marches sur une période qui a duré plusieurs mois, culminant avec un rassemblement à Mexico. En 1996 il a aidé une coalition militante de fermiers et de pêcheurs qui demandaient une indemnisation des puits de pétrole de l'Etat pour les dommages qu'ils ont subis à la suite d'un déversement accidentel de pétrole. L'année dernière, un million de personnes se sont rassemblés dans la capitale lorsque le congrès mexicain a essayé de sortir AMLO de la course présidentielle parce qu'il avait violé, en tant que maire de Mexico, une loi obscure en construisant une route vers un hôpital. [Voir l'article de Harold Meyerson, "Bonjour du Mexistan" (en français), Washington Post, le 13 avril 2005].
Des éditorialistes et des analystes politiques internationaux de la presse étrangère voient même qu'il y a des risques réels d'explosion sociale s'il n'y a pas un recomptage de toutes les voix, comme Lopez Obrador le demande. L'équipe de la sécurité nationale de l'administration Bush doit certainement savoir qu'une fraude a été commise dans les élections mexicaines, mais cela n'a pas empêché Bush d'appeler Felipe Calderon pour le féliciter lorsque l'Institut Electoral Fédéral Mexicain a annoncé, jeudi, les résultats truqués. La classe dirigeante mexicaine se retrouve prise, en compagnie de ses cohortes internationales, entre le marteau et l'enclume. Si le recomptage des voix est permis, la fraude et la corruption du système mexicain seront exposées à la face du monde entier. S'il ne permet pas un recomptage honnête des voix, le Mexique pourrait devenir ingouvernable.
Le Mexique a connu deux soulèvements sociaux majeurs dans son histoire. Le premier arriva dans la foulée du mouvement d'indépendance en 1810 et le second avec la révolution qui commença en 1910. Les résultats de l'actuelle élection frauduleuse pourraient déclencher la prochaine rébellion sociale du Mexique, quatre ans avant la date exacte du centième anniversaire de la révolution.
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) [JFG-QuestionsCritiques]
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