Dans le monde.......
Les aventures mexicaines de Sarah Ilitch, une Française dans le chaudron d'Oaxaca LE MONDE | 04.01.07 | 14h25 • Mis à jour le 04.01.07 | 14h25
Sarah Ilitch se souvient de tout, du moindre détail de cette pièce sinistre aux murs vides, mangée par la poussière. De ces cinq policiers mexicains du commissariat d'Oaxaca debout, face à elle, les visages masqués par des cagoules. De cette femme surtout, la seule de cet escadron anonyme, qui n'en finit pas de lui crier les mêmes questions, les poings levés en signe de menace "Non", Sarah Ilitch n'a pas de "noms de rebelles à donner". Elle ne connaît pas les dirigeants de ce mouvement insurrectionnel qui secoue Oaxaca depuis des mois. Cette jeune Française de 22 ans est venue comme "simple touriste". Et dit avoir peur. Les deux amis qui l'accompagnaient au moment de son arrestation l'ont précédée dans cette même cellule. Ils ont été battus, elle en est sûre.Sarah Ilitch est aujourd'hui en France, raccompagnée, voilà plus de trois semaines, par deux agents des services de la migration mexicaine à bord d'un avion d'Aeromexico. Expulsée comme une étrangère en situation irrégulière.Etudiante en droit et originaire de Nice, elle dit n'avoir jamais été militante, être partie au Mexique en septembre 2006 dans l'idée de parcourir le pays, avec la simple intention de passer voir un ami espagnol installé à Oaxaca. Elle n'a alors, insiste-t-elle, aucune notion de la crise sociale et politique qui secoue la région.La jeune femme découvre une ville en état de siège, occupée depuis juin 2006 par des grévistes organisés en Assemblée populaire du peuple d'Oaxaca (APPO). Ils luttent pour obtenir la démission du gouverneur Ulises Ruiz, "le tyran". Sarah croise des étudiants venus d'Europe et d'Amérique du Nord. "Pas toujours des militants, souvent des anarchistes", glisse-t-elle. Elle se prend au jeu, embrasse le mouvement, "forcément". Au mois de novembre, elle se trouve au milieu des affrontements avec les forces fédérales. Elle aide les manifestants, apporte de l'eau, du vinaigre et du Coca Cola pour atténuer les effets des lacrymogènes. Le 25 novembre, les forces fédérales parviennent à reprendre le centre-ville.C'est là, dans les jours qui ont suivi, qu'une patrouille de la police coffre Sarah et deux amis mexicains. Au lendemain de l'interrogatoire, un agent l'accuse d'avoir incendié une moto des forces de l'ordre lors de son arrestation. Son sac à dos est posé au milieu de la salle avec, bien en évidence, deux lance-pierres qui ne lui appartiennent pas. Le policier lui tend une feuille blanche, l'intime de signer si elle veut sortir. Sarah s'exécute.Trois jours plus tard, elle se retrouve dans l'avion, un vol direct pour Paris. Depuis, elle a appris que la plupart de ses amis se cachent à Mexico. Tous, dit-elle, sont touchés par une vague de répression qui a suivi l'évacuation d'Oaxaca. Il y a deux jours, la jeune femme a reçu un courrier des services de la migration de Mexico indiquant qu'elle était interdite de territoire pour une durée de cinq ans pour "activités illicites"
Nicolas Bourcier