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LE NOUVEAU GOUVERNEMENT MEXICAIN EST ENTRE EN GUERRE SAINTE CONTRE SON PROPRE PEUPLE. ARRESTATIONS ARBITRAIRES D'HOMMES POLITIQUES COMME DE SIMPLES PASSANTS QUI AVAIENT LE MALHEUR DE SE TROUVER AU MAUVAIS ENDROIT AU MAUVAIS MOMENT, GENERALISATION DU VIOL DES PRISONNIERES, DE LA TORTURE Y COMPRIS SUR DES ENFANTS DE HUIT A DOUZE ANS , CENSURE DE TOUTE OPPOSITION... LA LUTTE NE FAIT QUE COMMENCER. El nuevo gobierno mexicano a entrado en guerra santa contra su propio pueblo. Imposición, traición, doble discurso, ruptura del pacto social, ningún respeto por los derechos humanos con la consiguiente tortura, prisión, muerte de luchadores sociales e inocentes. Censura y desprecio por la cultura y la educación.... LA LUCHA COMIENZA.

samedi 25 août 2007

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Transfuge

La situation du livre au Mexique

« Vous, vous lisez des livres. Moi, je me suis formé en lisant les formes des nuages. » Il y a six ans, l'actuel président Vicente Fox (Mexilios: le sexenat de Fox a fini en novembre 2006, mais rien n'a change depuis), alors en campagne électorale, prononçait ces phrases mémorables lors de la présentation de son programme culturel. L'intelligentsia s'est gaussée du ranchero inculte, de l'homme aux bottes, de l'ancien patron de Coca-Cola Mexique qui allait encore se distinguer en proclamant son admiration pour « José Luis Borgues » (sic).

Ces propos, pourtant, sont assez représentatifs de l'ambiguïté des Mexicains dans leur rapport au livre, objet prestigieux autant qu'ignoré.

« Le livre au Mexique a un statut qu'il n'a pas ailleurs, explique Philippe Ollé-Laprune (1), directeur à Mexico de la Maison du Refuge, qui accueille et aide des écrivains en exil. Les livres ont un côté sacré, et certains auteurs sont vénérés. Quand il s'est agi de réunir de l'argent pour la fondation Octavio Paz, peu de temps avant la mort de l'écrivain, aussitôt les dix plus grands entrepreneurs mexicains ont mis au pot un million de dollars chacun. »

Ce prestige du livre et des écrivains a des racines historiques. Aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, c'étaient les hommes de lettres qui écrivaient les lois - dans un pays qui place la légalité au-dessus de tout, au moins dans ses formes. Et dans les écoles, les petits Mexicains apprennent ce qu'ils doivent à José Vasconcelos, ce ministre de l'Education qui, dans la décennie qui suivit la Révolution mexicaine (1910-1917), lança un vaste programme d'éducation populaire et porta dans les campagnes misérables des livres comme l'Iliade, l'Odyssée, le Quichotte.

Mais la légende de ce grand hussard noir et de quelques autres pionniers ne peut occulter la réalité : la situation du livre au Mexique n'est pas florissante ; elle est même assez désastreuse.

Une petite promenade sur le populeux axe central de la capitale en donne un aperçu. Passé le cinéma Teresa, où la programmation de cinéma populaire a laissé la place au porno glauque, les trottoirs regorgent de marchandises, toutes pirates : des DVD, des logiciels, et même quelques livres. « Comment devenir une parfaite tueuse d'hommes », « Mon Dieu, fasse que je devienne veuve » (Mexilios: l'auteure de ce livre est l'actuelle ministre de l'education nationale), des mini-BD débordantes de pin-up surdimensionnées (les fameux « livres de maçon »), et quelques Paolo Coelho. Poussons jusqu'à la librairie Gandhi, sorte de Fnac miniature située face au palais des Beaux-Arts. Un bon choix de livres de littérature, de sociologie, de philosophie, d'histoire... à des prix presque prohibitifs (au moins aussi élevés qu'en France, alors que le salaire moyen est trois à quatre fois inférieur).

Reprenons en grand angle. Le Mexique compte une abondante population (106 millions d'habitants) fortement alphabétisée (à 90%).

Et pourtant, le pays possède l'un des taux de lecture les plus bas du monde : un livre par an et par habitant, ce qui, d'après une enquête de l'Unesco, place le Mexique au 107e rang... sur les 108 pris en compte.

Les librairies sont rares, surtout hors de la capitale : il en existe une pour 300 000 habitants (contre une pour 15 000 en Argentine). Les valeureuses indépendantes ferment les unes après les autres, au profit de grandes surfaces spécialisées, Gandhi ou El Sótano. Parallèlement, à la fin des annéees 1990, la concentration éditoriale s'est accélérée : trois grandes holdings (Planeta, Random House, Santillana) accaparent aujourd'hui le marché. Résultats : valse des nouveautés, marketing omniprésent... et point de salut, glisse fielleusement le critique Fernando Escalante, hors d'une bonne critique dans le journal espagnol de référence El País (qui appartient au groupe Santillana).« Le conte, un genre historique au Mexique, a été rélégué au profit de genres plus rentables, le roman ou l'essai historique » , note l'écrivain Juan Villoro.

Les bibiothèques publiques ? Des salles d'études pour les collégiens, où 90% des livres sont des manuels.

Et qui s'occupe de ces librairies et de ces bibliothèques ? Des libraires et des bibliothécaires qui n'ont reçu aucune formation spécifique.

Ajoutons que si la production est importante (entre 15 000 et 17 000 titres par an), elle est encombrée de titres médiocres. Ces dernières années ont connu une explosion du secteur des livres de développement personnel (« Soyez votre propre marque », « Le Sun Tzu pour le succès », « Pensez avant de parler »...)

L'Etat, comme aux temps de l'ancien parti unique (le PRI, cet ogre philanthrope, selon l'expression d'Octavio Paz), continue d'aider massivement la production (à hauteur de 60%), mais cette aide, déconnectée du marché, produit souvent des effets... inattendus. Philippe Ollé-Laprune rapporte la mésaventure d'une poétesse qui, avec l'aide du ministère de la Culture, publia un recueil de poèmes à 2000 exemplaires. Peu de jours après, elle voulut acquérir un exemplaire de son livre. Epuisé. Toute à sa joie, elle en informe le ministère. Deuxième tirage, liquidé au bout de quelques mois. Troisième tirage... puis la découverte amère que les exemplaires du best-seller reposaient dans la cave de la maison d'édition.

Les entrailles de l'Unam, la plus grande université d'Amérique latine (300 000 étudiants), sont aussi pleines de ces livres généreusement produits et aussitôt remisés, quand ils ne sont pas mis au pilon dès leur sortie de l'imprimerie.

Comment expliquer cette situation absurde ? « L'ancien parti unique a toujours aidé massivement la production, pas la diffusion, rappelle Philippe Ollé-Laprune. Mieux valait que les citoyens ne lisent pas, ils étaient plus facilement manipulables. » Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, l'un des principaux obstacles à la lecture est le prix des livres, qui s'explique par deux facteurs principaux. Le premier est la taille réduite du marché dans un pays baigné de culture télévisuelle. « La classe moyenne, consommatrice de livres, a été pratiquement liquidée par les gouvernements libéraux qui se sont succédé depuis 1982», déplore Juan Villoro. Selon un responsable de l'editeur catalan Tusquets, « 6000 exemplaires pour un livre de littérature, c'est un franc succès ».

La seconde raison a été, jusqu'à très récemment, l'absence de législation sur le prix du livre - libéralisme oblige. Le président Fox a même voulu, au début de son mandat, taxer les livres. Pourtant, c'est ce même gouvernement qui a fait adopter il y a quelques mois la loi sur le prix unique du livre - une première en Amérique latine. Les auteurs et les éditeurs avaient longuement fait valoir le modèle français, qui a permis aux petites librairies de subsister et surtout, de parvenir à une baisse globale du prix du livre. La mesure est particulièrement bien venue au Mexique, où des chaînes de librairie comme la Gandhi demandaient aux éditeurs des ristournes considérables (entre 40 et 50%) pour proposer à leurs clients des réductions permanentes, entre 20 et 30% du prix. Jeu de dupes dont le lecteur-consommateur sortait perdant.

Cette loi unique ne résoudra bien sûr pas tous les problèmes. La piraterie est en essor exponentiel : 10% des livres sur le marché en 2004, 20% en 2005 ! Et une autre donnée n'est pas près de varier : la sujétion à l'ancienne puissance coloniale, l'Espagne. Si les livres sont aussi chers au Mexique, rappelle Christian Moire, responsable de ce secteur à l'Ambassade de France, c'est aussi parce que la plupart proviennent d'Espagne, ce qui occasionne de gros frais de transport. La situation demeure quasi coloniale. Le Mexique reçoit chaque année environ 150 nouveaux livres espagnols, tandis que l'Espagne reçoit... un livre d'un auteur mexicain.

Pendant toute l'ère franquiste pourtant, l'édition hispanophone a été largement mexicaine. José María Espinosa, éditeur au Colegio de Mexico et directeur des éditions Sin Nombre, soupire en évoquant l'époque où le Mexique « était fier d'avoir les meilleures maisons d'éditions de langue espagnole ». Après la mort de Franco, l'Espagne s'est réveillée et au début des années 1980, les grands éditeurs espagnols (Santillana, Planeta, Plaza y Janés) sont venus s'installer au Mexique, voyant dans le pays une porte d'entrée vers le reste de l'Amérique latine et tablant sur un boom de lecteurs... qui reste à venir.

Ce boom, le gouvernement Fox a essayé d'en esquisser une ébauche d'amorce en lançant à grand fracas, en 2002, son programme « Vers un pays de lecteurs ». Chargés de promotion : l'actrice Salma Hayek et le joueur de football Jorge Campos... Mais la grande œuvre du président Fox, c'est la « mégabibliothèque », inaugurée en mai dernier et présentée par le chef de l'Etat comme « la majestueuse enceinte du savoir et de la lecture ». De l'extérieur, la chose, construite dans un quatier populaire du centre de Mexico, ressemble à un centre commercial. Mais vue de l'intérieur, la réussite - au moins architecturale - est impressionnante : dans un décor de jungle urbaine, on découvre une sorte de train gigantesque, de 300 mètres de long, formé de trois wagons à l'intérieur duquel auraient poussé des grappes de livres. Le squelette d'une vraie baleine rapportée de Basse-Californie flotte au-dessus des rayonnages. (Mexilios: ben oui et maintenant la Mega Bibliothèque est un éléphant blanc, déjà ferme du à la mauvais construction ca devenait un danger pour les usuraires, etc)

« Mégabibliothèque ? Mégaconnerie, oui ! fulmine Paco Ignacio Taibo II, célèbre auteur de romans noirs et agitateur culturel dans son pays. On construit une œuvre pharaonique alors que la salle de lecture du XIXe siècle de la Bibliothèque de Mexico ferme à 18 heures parce que l'argent manque pour acheter des lampes ! »

En effet, le débat a fait rage sur l'opportunité d'un projet qui a coûté autant que la fondation Guggenheim de Bilbao. Ne valait-il pas mieux 100 bibliothèques d'un million de dollars plutôt qu'une seule de cent millions ? Les défenseurs de la « mega » font valoir qu'elle fonctionnera en réseau avec les autres bibliothèques, qu'elle aura un rôle de catalyseur.

Il est trop tôt pour se prononcer, même s'il est clair que l'opération avait d'abord des objectifs de prestige. Depuis le Traité de libre commerce avec les Etats-Unis et le Canada (1994) et l'entrée du Mexique dans l'OCDE, les dirigeants du pays n'ont de cesse de vouloir égaler le Premier monde (comme on dit ici), au moins sur un plan symbolique.

En attendant, on ne trouve pas les livres que l'on veut lire et le prêt gratuit n'existe pas dans les biliothèques. Hors des cadres officiels, les initiatives fleurissent. Taibo II dirige par exemple un marché alternatif qui propose, grâce à l'appui de libraires et d'une « brigade culturelle » formée de volontaires, des libres bon marché et différents, des auteurs qu' «aucun professeur de secondaire ne recommanderait », explique le romancier Juan Hernández Luna, des auteurs « qui vous mettent des idées bizarres dans la tête ». (José Emilio Pacheco, Bertolt Brecht, Juan Gelman, Jaime Sabines, Manuel Vázquez Montalbán, entre autres).

« La littérature est le plus subversif des arts », poursuit Luna. Rappel indispensable. Le grand bond en avant de la lecture souhaité par les autorités se heurte à la confusion, chez nombre d'enseignants et d'autorités éducatives, entre la lecture par devoir et la lecture par goût. Confusion partagée par une majorité d'étudiants pour qui lire, c'est lire les livres du programme. Il est symptomatique que le Conaculta, sorte de Secretariat d'Etat à la Culture, reste inféodé à l'Education nationale, tout-puissant ministère.

Six ans après l'alternance démocratique de l'an 2000, le Mexique conserve un fonctionnement autoritaire et vertical. Sa culture reste dominée par les figures du père et du chef (« licenciado », « maestro », ou « doctor »), dont on attend les instructions. Une société certes en mouvement mais encore « pré-moderne », comme l'écrivait Octavio Paz dans « Le labyrinthe de la solitude » en... 1950.

« Nous sommes un pays jeune, laissez-nous le temps ! plaide le numéro 2 de la Culture, Raúl Zorrilla. Au début du 20e siècle, le Mexique comptait 90% d'analphabète, aujourd'hui 10% seulement. » Et, dans un mouvement de corps vers son interlocuteur, à mi-chemin de la rouerie communicante et de l'élan spontané : « Moi-même, je suis petit-fils d'analphabète ! »

Bernard CORTEGGIANI

(1) Auteur d'une anthologie de la littérature mexicaine de langue espagnole, à paraître aux éditions de La Différence en janvier 2007.

Autre lien relatione et celui ci..

Economie équitable

L'Humanite

Sylvie Mayer

coordinatrice avec Jean-Pierre Caldier du Guide de l’économie équitable (*).

Deux exemples d’échange équitable à suivre

Peut-on imaginer un mode d’échange équitable, non plus entre paysans du Sud et consommateurs du Nord, mais à l’intérieur d’un pays ou d’un continent ?

Deux exemples en Amérique latine nous prouvent que oui.

Le Mexique a été l’un des premiers pays à pratiquer le commerce équitable Nord-Sud. Les producteurs, forts de cette expérience, ont créé en 2001 un label mexicain, Comercio Justo Mexico, cherchant à rapprocher producteurs et consommateurs nationaux, avec son propre système de normes et de certification. Une entreprise intégrée, propriété des petits producteurs, assure la commercialisation des produits. Ils ont aussi créé une marque collective, Nuestro Maiz, qui alimente un réseau de tortilleras franchisées (équivalent de nos boulangeries). Le stade de la transformation est intégré au commerce équitable, et les marques collectives sont certifiées et contrôlées par des conseils de régulation qui impliquent tous les acteurs de la filière, dans une démarche participative.

Au Venezuela, il existe depuis une trentaine d’années une coopérative de producteurs et de consommateurs, AFINCO, dont la philosophie est « ni donner ou pêcher un poisson, ni apprendre ou enseigner à pêcher, mais pêcher ensemble ».

Cette coopérative produit 800 tonnes de fruits et légumes par an. Les paysans et les consommateurs adhérents décident ensemble des types de production, des quantités, des prix.

Les paysans décident qui produit quoi et chaque semaine une vente est organisée dans plusieurs villes du pays, avec un prix unique quel que soit le produit. La quantité des achats est fonction des récoltes et de la taille de la famille. Les sociétaires occupent à tour de rôle tous les postes de travail et de responsabilité. Tout ce qui est produit est consommé : pas de gaspillage, les frais sont limités.

Discipline collective, polyvalence de tous, responsabilité partagée permettent le succès durable de cette coopérative originale.

Ce système ressemble à celui de nos AMAP, Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, partenariats directs producteurs-consommateurs qui concernent plus de 35 000 familles françaises et, en Asie, un million de Japonais. Chez nous aussi des agriculteurs organisent des circuits courts, sans passer sous les fourches caudines des grossistes et de la grande distribution, voire de leurs coopératives qui en prospérant ont parfois oublié les quatre principes fondamentaux de la coopération.

Un mode d’échange équitable pourrait-il concerner d’autres productions en passant par les circuits traditionnels de vente ou la grande distribution ? Cela fait l’objet d’un vif débat sur lequel je reviendrai.

(*) Le Guide de l’économie équitable. Fondation Gabriel-Péri http://guideeconomieequitable.blogspot.com ou www.gabrielperi.fr/solidaire

Le figaro

Les "Indiens des nuages" à l'heure de la globalisation


De notre envoyé spécial à Latuvi FRÉDÉRIC FAUX

Un paysan de l'État d 'Oaxaca. Malgré la modernisation substancielle de certains villages et l'arrivée des touristes, un jeune sur deux par encore vivre et travailler aux États-Unis.
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Un paysan de l'État d 'Oaxaca. Malgré la modernisation substancielle de certains villages et l'arrivée des touristes, un jeune sur deux par encore vivre et travailler aux États-Unis.
Magana/AP.

Les Zapothèques de l'État d'Oaxaca souffrent autant qu'ils profitent de la globalisation.

QUAND ils parcourent les chemins bétonnés de Latuvi, où des pancartes rappellent aux habitants qu'il faut se laver les dents trois fois par jour et qu'il est obligatoire de trier ses poubelles, Rosa et Malachie ne cachent pas leur satisfaction. « Oui, le village s'est amélioré », affirme Malachie, qui vit depuis trente ans aux États-Unis, dans la vallée de San Fernando en Californie. « Lorsque nous étions enfants, il n'y avait pas de voitures, les pistes étaient impraticables ; aujourd'hui, tout a changé, il y a même un café Internet », ajoute fièrement sa soeur Rosa, autre Californienne d'adoption qui revient régulièrement se reposer dans son village de naissance.
Latuvi, bourgade zapotèque de 620 habitants nichée dans les montagnes de l'État d'Oaxaca, au sein de l'une des plus grandes forêts du Mexique, n'est plus ce trou boueux et misérable qu'ils ont connu jadis. Le long de la rue principale, de la chapelle à l'école, trois épiceries et un « bureau des téléphones » ont ouvert leurs portes. Les plus grandes innovations, cependant, sont venues de la mairie : c'est dans sa cour qu'est garé le bus qui relie le village à la vallée d'Oaxaca. C'est elle, aussi, qui gère le magasin communautaire, le centre de santé et le fameux café Internet, ouvert il y a tout juste un an.
Car si Latuvi est fière d'être un confetti de l'immense Mexique, dont le drapeau est honoré tous les lundis dans la cour de l'école, le village s'est surtout affirmé ces dernières années comme une institution zapotèque, régie par les us et coutumes traditionnels. « Ici, les partis politiques n'ont pas lieu d'être, nous fonctionnons avec notre propre calendrier », résume Artemio Sebaius, l'agent municipal de Latuvi. Ce paysan de 38 ans a été élu avec une trentaine d'adjoints par l'assemblée du village pour un mandat d'un an, sans rétribution. « Tous les quatre ans, les habitants de Latuvi savent qu'ils vont devoir se consacrer à la communauté, explique Artemio. C'est un grand honneur, mais aussi un grand sacrifice. Ma femme doit me remplacer aux champs et nous vivons avec les économies que nous avons faites les trois années précédentes. »
Ce service public s'impose à tous les habitants, appelés à fournir un travail gratuit, le tequio. « Chaque semaine, nous choisissons dans la liste des chefs de famille une équipe de dix personnes... Cela nous permet de faire des choses que les autres communes ne peuvent pas se permettre », se félicite Artemio. À Latuvi, qu'il pleuve ou qu'il neige, il y a ainsi toujours un groupe de tequio qui refait une route, cure un fossé ou défriche une parcelle. Et les jours de tequio général, comme ce dimanche, c'est presque tout le village qui se mobilise pour poser une canalisation. Benito, chapeau blanc sur la tête, a marché près d'une heure depuis sa ferme pour participer à ces travaux communautaires : « Le tequio, c'est comme un impôt, explique-t-il. Ça peut prendre près de trente jours dans l'année, mais tout le monde le fait volontiers. » Si quelqu'un refusait de participer ? « Impossible, répond Benito. C'est une tradition que l'on inculque dès l'enfance... Même les jeunes générations, à partir de 18 ans, participent au tequio. »
«Être indien était une honte »
Loin d'être en voie de disparition, ces « us et coutumes » ont été renforcés par la mondialisation. « Les Zapotèques se sont aperçus qu'ils n'étaient pas isolés et qu'ils partageaient un ensemble de valeurs avec d'autres peuples indigènes, remarque l'anthropologue Manuel Rios. Pendant longtemps, être indien était considéré comme une honte... Aujourd'hui, c'est le contraire : leur sens de l'organisation et leur relation privilégiée avec la nature sont devenus des atouts. » Des traditions que les habitants de Latuvi tentent de cultiver, même si les déplacements en ville, de plus en plus fréquents, les ont fait évoluer. La langue zapotèque est encore parlée par la moitié du village. Les marchands ambulants, autrefois les seuls étrangers à s'aventurer dans ces montagnes, sont rejoints par les écotouristes, accueillis dans des cabanes communautaires. La guérisseuse traditionnelle, dont les ordonnances ne sont composées que de prières et de plantes médicinales, doit partager ses patients avec un médecin résident, fraîchement sorti de l'université.
Même la fête du village, rythmée par des processions pas très catholiques de poupées géantes, s'adapte aux temps nouveaux. Depuis deux ans, elle se célèbre sans mezcal, cet alcool d'agave dont quelques verres suffisent à abattre les plus robustes. « Les ivrognes affalés dans les rues donnaient une mauvaise image de Latuvi, sans compter avec la violence au sein des familles... Alors nous avons interdit le mezcal au village », martèle Artemio. Un autre règlement communautaire, dont on ne trouvera aucune trace dans la législation mexicaine, permet chaque nuit de barrer les accès routiers par des chaînes. Tous les soirs aussi, une patrouille parcourt les rues afin d'assurer un juste repos aux citoyens. Armés d'une seule lampe de poche, ces policiers sans uniforme n'ont jamais besoin de renforts pour se faire obéir : « Nous sommes désignés par l'assemblée du village, rappellent-ils, et personne n'oserait se dresser contre elle. »
L'exil américain
Comme Malachie et Rosa le soulignaient, « le village s'est amélioré ». Pourtant, comme il y a trente ans, les jeunes continuent à s'exiler pour Oaxaca, Mexico ou Monterrey, la capitale industrielle du pays. Et bien sûr pour l'Amérique, qui ne cesse de faire rêver Latuvi. « Chaque année, entre dix et quinze jeunes partent pour la Californie, soit la moitié d'une génération », soupire Artemio. L'exode, qui rend de plus en plus difficile l'organisation du tequio, a parsemé le village de belles maisons inachevées à étage, avec des vitres fumées et des piles de parpaings qui s'entassent devant l'entrée. « On les appelle les maisons fantômes, explique Braulio, un natif de Latuvi coiffé d'une casquette du club de basket de Los Angeles Lakers. Les migrants les font construire depuis les États-Unis... mais ils ne rentrent pas. »
Ce maçon aux larges épaules a choisi de revenir il y a plus d'un an, après deux séjours clandestins aux États-Unis. « On ne part pas là-bas pour faire du tourisme, plaisante-t-il. Il faut travailler du lundi au dimanche, neuf ou dix heures par jour. Il n'y a pas de sorties, pas de loisirs, mais ça vaut la peine, poursuit-il en faisant visiter sa villa de quatre chambres, bâtie en bas de Latuvi. Au Mexique, même après une vie de travail, je n'aurais jamais pu me l'offrir. » La migration sait aussi se montrer généreuse. « Même là-bas, on n'oublie pas le village, rappelle Braulio. À Los Angeles, une soixantaine de chefs de famille de Latuvi se retrouvent tous les deux mois dans un parc pour échanger des nouvelles et parler du pays. On fait parvenir notre contribution à la commune pour compenser les tequios que l'on ne peut pas faire. Et bien sûr on envoie de l'argent aux femmes, tous les mois. »
Cet afflux de dollars a amélioré la vie quotidienne des habitants de Latuvi mais n'a pas arrêté le flux migratoire. Passer la frontière est une tradition qui remonte aux années quarante, quand les États-Unis invitaient des travailleurs mexicains à participer à l'effort de guerre. Aujourd'hui, les jeunes du village connaissent mieux le marché du travail de Los Angeles ou Oakland que celui d'Oaxaca ou Mexico. Pour Valeria Isunza, qui prépare une thèse sur les « pueblos mancomunados » (voir encadré), la migration est devenue une nouvelle tradition, voire un rite de passage : « Traverser illégalement la frontière des États-Unis est une manière de montrer que l'on est un homme, et revenir avec de l'argent est un moyen de s'affirmer au sein de la communauté. »
La principale cause de l'exil reste identique à celle qui a poussé Malachie et Rosa à partir il y a plus de trente ans : « Luchar por la vida »... la lutte pour la vie. L'expression revient comme une antienne dans la bouche de ceux qui vont partir, ou qui sont déjà revenus, tous attirés par ce « Norte » où l'on gagne en une heure le salaire d'une journée au pays. La vallée de Latuvi a beau être irriguée par des torrents qui descendent été comme hiver de la montagne, ses champs compter parmi les plus fertiles de l'État d'Oaxaca, vivre des fruits de la terre y est toujours aussi difficile.
Fermes en ruine
« Nous habitons un pays riche, mais nous sommes restés pauvres », résume Eligio, un vieux paysan installé depuis des lustres dans le hameau d'El Manantial, perdu au fond d'un chemin herbeux. Assis dans sa maison aux planches disjointes, Eligio peine à énumérer toutes ses récoltes : maïs, haricots, courgettes, pastèques, pois chiches, pommes, pêches... « Tout ça pousse sans engrais, grâce à Dieu, mais le problème c'est la vente », soupire-t-il. Une plainte qui se répète dans toutes ces fermes isolées où seuls les anciens, comme enracinés, arrivent encore à survivre. Leurs parents, depuis des lustres, allaient à dos d'âne vendre leurs produits au marché de Teotitlan del Valle ; un bourg situé mille mètres plus bas, dans un paysage d'herbe rase et de cactus, où l'on parle un autre dialecte zapotèque et où il faut avancer sa montre d'une heure... Un autre monde. « Maintenant, on peut y aller en autobus une fois par semaine mais rien n'a changé, maugrée Eligio. Personne ne nous achète notre production en gros, nous sommes trop loin. »
De sa fenêtre, Eligio a vu les fermes les plus isolées tomber en ruine, mangées par la végétation. Près du chemin et près de la nouvelle ligne électrique, des maisons fantômes ont poussé, habitées le temps d'un été par des enfants au drôle d'accent gringo. Il ne peut alors s'empêcher de penser aux siens, dont la photo orne le seul meuble de sa maison : Mathias et Romero sont aussi partis aux États-Unis et aujourd'hui, cela fait tout juste un an.