Les "Indiens des nuages" à l'heure de la globalisation
De notre envoyé spécial à Latuvi FRÉDÉRIC FAUX
Un paysan de l'État d 'Oaxaca. Malgré la modernisation substancielle de certains villages et l'arrivée des touristes, un jeune sur deux par encore vivre et travailler aux États-Unis.
Magana/AP.
Latuvi, bourgade zapotèque de 620 habitants nichée dans les montagnes de l'État d'Oaxaca, au sein de l'une des plus grandes forêts du Mexique, n'est plus ce trou boueux et misérable qu'ils ont connu jadis. Le long de la rue principale, de la chapelle à l'école, trois épiceries et un « bureau des téléphones » ont ouvert leurs portes. Les plus grandes innovations, cependant, sont venues de la mairie : c'est dans sa cour qu'est garé le bus qui relie le village à la vallée d'Oaxaca. C'est elle, aussi, qui gère le magasin communautaire, le centre de santé et le fameux café Internet, ouvert il y a tout juste un an.
Car si Latuvi est fière d'être un confetti de l'immense Mexique, dont le drapeau est honoré tous les lundis dans la cour de l'école, le village s'est surtout affirmé ces dernières années comme une institution zapotèque, régie par les us et coutumes traditionnels. « Ici, les partis politiques n'ont pas lieu d'être, nous fonctionnons avec notre propre calendrier », résume Artemio Sebaius, l'agent municipal de Latuvi. Ce paysan de 38 ans a été élu avec une trentaine d'adjoints par l'assemblée du village pour un mandat d'un an, sans rétribution. « Tous les quatre ans, les habitants de Latuvi savent qu'ils vont devoir se consacrer à la communauté, explique Artemio. C'est un grand honneur, mais aussi un grand sacrifice. Ma femme doit me remplacer aux champs et nous vivons avec les économies que nous avons faites les trois années précédentes. »
Ce service public s'impose à tous les habitants, appelés à fournir un travail gratuit, le tequio. « Chaque semaine, nous choisissons dans la liste des chefs de famille une équipe de dix personnes... Cela nous permet de faire des choses que les autres communes ne peuvent pas se permettre », se félicite Artemio. À Latuvi, qu'il pleuve ou qu'il neige, il y a ainsi toujours un groupe de tequio qui refait une route, cure un fossé ou défriche une parcelle. Et les jours de tequio général, comme ce dimanche, c'est presque tout le village qui se mobilise pour poser une canalisation. Benito, chapeau blanc sur la tête, a marché près d'une heure depuis sa ferme pour participer à ces travaux communautaires : « Le tequio, c'est comme un impôt, explique-t-il. Ça peut prendre près de trente jours dans l'année, mais tout le monde le fait volontiers. » Si quelqu'un refusait de participer ? « Impossible, répond Benito. C'est une tradition que l'on inculque dès l'enfance... Même les jeunes générations, à partir de 18 ans, participent au tequio. »
«Être indien était une honte »
Loin d'être en voie de disparition, ces « us et coutumes » ont été renforcés par la mondialisation. « Les Zapotèques se sont aperçus qu'ils n'étaient pas isolés et qu'ils partageaient un ensemble de valeurs avec d'autres peuples indigènes, remarque l'anthropologue Manuel Rios. Pendant longtemps, être indien était considéré comme une honte... Aujourd'hui, c'est le contraire : leur sens de l'organisation et leur relation privilégiée avec la nature sont devenus des atouts. » Des traditions que les habitants de Latuvi tentent de cultiver, même si les déplacements en ville, de plus en plus fréquents, les ont fait évoluer. La langue zapotèque est encore parlée par la moitié du village. Les marchands ambulants, autrefois les seuls étrangers à s'aventurer dans ces montagnes, sont rejoints par les écotouristes, accueillis dans des cabanes communautaires. La guérisseuse traditionnelle, dont les ordonnances ne sont composées que de prières et de plantes médicinales, doit partager ses patients avec un médecin résident, fraîchement sorti de l'université.
Même la fête du village, rythmée par des processions pas très catholiques de poupées géantes, s'adapte aux temps nouveaux. Depuis deux ans, elle se célèbre sans mezcal, cet alcool d'agave dont quelques verres suffisent à abattre les plus robustes. « Les ivrognes affalés dans les rues donnaient une mauvaise image de Latuvi, sans compter avec la violence au sein des familles... Alors nous avons interdit le mezcal au village », martèle Artemio. Un autre règlement communautaire, dont on ne trouvera aucune trace dans la législation mexicaine, permet chaque nuit de barrer les accès routiers par des chaînes. Tous les soirs aussi, une patrouille parcourt les rues afin d'assurer un juste repos aux citoyens. Armés d'une seule lampe de poche, ces policiers sans uniforme n'ont jamais besoin de renforts pour se faire obéir : « Nous sommes désignés par l'assemblée du village, rappellent-ils, et personne n'oserait se dresser contre elle. »
L'exil américain
Comme Malachie et Rosa le soulignaient, « le village s'est amélioré ». Pourtant, comme il y a trente ans, les jeunes continuent à s'exiler pour Oaxaca, Mexico ou Monterrey, la capitale industrielle du pays. Et bien sûr pour l'Amérique, qui ne cesse de faire rêver Latuvi. « Chaque année, entre dix et quinze jeunes partent pour la Californie, soit la moitié d'une génération », soupire Artemio. L'exode, qui rend de plus en plus difficile l'organisation du tequio, a parsemé le village de belles maisons inachevées à étage, avec des vitres fumées et des piles de parpaings qui s'entassent devant l'entrée. « On les appelle les maisons fantômes, explique Braulio, un natif de Latuvi coiffé d'une casquette du club de basket de Los Angeles Lakers. Les migrants les font construire depuis les États-Unis... mais ils ne rentrent pas. »
Ce maçon aux larges épaules a choisi de revenir il y a plus d'un an, après deux séjours clandestins aux États-Unis. « On ne part pas là-bas pour faire du tourisme, plaisante-t-il. Il faut travailler du lundi au dimanche, neuf ou dix heures par jour. Il n'y a pas de sorties, pas de loisirs, mais ça vaut la peine, poursuit-il en faisant visiter sa villa de quatre chambres, bâtie en bas de Latuvi. Au Mexique, même après une vie de travail, je n'aurais jamais pu me l'offrir. » La migration sait aussi se montrer généreuse. « Même là-bas, on n'oublie pas le village, rappelle Braulio. À Los Angeles, une soixantaine de chefs de famille de Latuvi se retrouvent tous les deux mois dans un parc pour échanger des nouvelles et parler du pays. On fait parvenir notre contribution à la commune pour compenser les tequios que l'on ne peut pas faire. Et bien sûr on envoie de l'argent aux femmes, tous les mois. »
Cet afflux de dollars a amélioré la vie quotidienne des habitants de Latuvi mais n'a pas arrêté le flux migratoire. Passer la frontière est une tradition qui remonte aux années quarante, quand les États-Unis invitaient des travailleurs mexicains à participer à l'effort de guerre. Aujourd'hui, les jeunes du village connaissent mieux le marché du travail de Los Angeles ou Oakland que celui d'Oaxaca ou Mexico. Pour Valeria Isunza, qui prépare une thèse sur les « pueblos mancomunados » (voir encadré), la migration est devenue une nouvelle tradition, voire un rite de passage : « Traverser illégalement la frontière des États-Unis est une manière de montrer que l'on est un homme, et revenir avec de l'argent est un moyen de s'affirmer au sein de la communauté. »
La principale cause de l'exil reste identique à celle qui a poussé Malachie et Rosa à partir il y a plus de trente ans : « Luchar por la vida »... la lutte pour la vie. L'expression revient comme une antienne dans la bouche de ceux qui vont partir, ou qui sont déjà revenus, tous attirés par ce « Norte » où l'on gagne en une heure le salaire d'une journée au pays. La vallée de Latuvi a beau être irriguée par des torrents qui descendent été comme hiver de la montagne, ses champs compter parmi les plus fertiles de l'État d'Oaxaca, vivre des fruits de la terre y est toujours aussi difficile.
Fermes en ruine
« Nous habitons un pays riche, mais nous sommes restés pauvres », résume Eligio, un vieux paysan installé depuis des lustres dans le hameau d'El Manantial, perdu au fond d'un chemin herbeux. Assis dans sa maison aux planches disjointes, Eligio peine à énumérer toutes ses récoltes : maïs, haricots, courgettes, pastèques, pois chiches, pommes, pêches... « Tout ça pousse sans engrais, grâce à Dieu, mais le problème c'est la vente », soupire-t-il. Une plainte qui se répète dans toutes ces fermes isolées où seuls les anciens, comme enracinés, arrivent encore à survivre. Leurs parents, depuis des lustres, allaient à dos d'âne vendre leurs produits au marché de Teotitlan del Valle ; un bourg situé mille mètres plus bas, dans un paysage d'herbe rase et de cactus, où l'on parle un autre dialecte zapotèque et où il faut avancer sa montre d'une heure... Un autre monde. « Maintenant, on peut y aller en autobus une fois par semaine mais rien n'a changé, maugrée Eligio. Personne ne nous achète notre production en gros, nous sommes trop loin. »
De sa fenêtre, Eligio a vu les fermes les plus isolées tomber en ruine, mangées par la végétation. Près du chemin et près de la nouvelle ligne électrique, des maisons fantômes ont poussé, habitées le temps d'un été par des enfants au drôle d'accent gringo. Il ne peut alors s'empêcher de penser aux siens, dont la photo orne le seul meuble de sa maison : Mathias et Romero sont aussi partis aux États-Unis et aujourd'hui, cela fait tout juste un an.
Les Zapothèques de l'État d'Oaxaca souffrent autant qu'ils profitent de la globalisation.
QUAND ils parcourent les chemins bétonnés de Latuvi, où des pancartes rappellent aux habitants qu'il faut se laver les dents trois fois par jour et qu'il est obligatoire de trier ses poubelles, Rosa et Malachie ne cachent pas leur satisfaction. « Oui, le village s'est amélioré », affirme Malachie, qui vit depuis trente ans aux États-Unis, dans la vallée de San Fernando en Californie. « Lorsque nous étions enfants, il n'y avait pas de voitures, les pistes étaient impraticables ; aujourd'hui, tout a changé, il y a même un café Internet », ajoute fièrement sa soeur Rosa, autre Californienne d'adoption qui revient régulièrement se reposer dans son village de naissance.Latuvi, bourgade zapotèque de 620 habitants nichée dans les montagnes de l'État d'Oaxaca, au sein de l'une des plus grandes forêts du Mexique, n'est plus ce trou boueux et misérable qu'ils ont connu jadis. Le long de la rue principale, de la chapelle à l'école, trois épiceries et un « bureau des téléphones » ont ouvert leurs portes. Les plus grandes innovations, cependant, sont venues de la mairie : c'est dans sa cour qu'est garé le bus qui relie le village à la vallée d'Oaxaca. C'est elle, aussi, qui gère le magasin communautaire, le centre de santé et le fameux café Internet, ouvert il y a tout juste un an.
Car si Latuvi est fière d'être un confetti de l'immense Mexique, dont le drapeau est honoré tous les lundis dans la cour de l'école, le village s'est surtout affirmé ces dernières années comme une institution zapotèque, régie par les us et coutumes traditionnels. « Ici, les partis politiques n'ont pas lieu d'être, nous fonctionnons avec notre propre calendrier », résume Artemio Sebaius, l'agent municipal de Latuvi. Ce paysan de 38 ans a été élu avec une trentaine d'adjoints par l'assemblée du village pour un mandat d'un an, sans rétribution. « Tous les quatre ans, les habitants de Latuvi savent qu'ils vont devoir se consacrer à la communauté, explique Artemio. C'est un grand honneur, mais aussi un grand sacrifice. Ma femme doit me remplacer aux champs et nous vivons avec les économies que nous avons faites les trois années précédentes. »
Ce service public s'impose à tous les habitants, appelés à fournir un travail gratuit, le tequio. « Chaque semaine, nous choisissons dans la liste des chefs de famille une équipe de dix personnes... Cela nous permet de faire des choses que les autres communes ne peuvent pas se permettre », se félicite Artemio. À Latuvi, qu'il pleuve ou qu'il neige, il y a ainsi toujours un groupe de tequio qui refait une route, cure un fossé ou défriche une parcelle. Et les jours de tequio général, comme ce dimanche, c'est presque tout le village qui se mobilise pour poser une canalisation. Benito, chapeau blanc sur la tête, a marché près d'une heure depuis sa ferme pour participer à ces travaux communautaires : « Le tequio, c'est comme un impôt, explique-t-il. Ça peut prendre près de trente jours dans l'année, mais tout le monde le fait volontiers. » Si quelqu'un refusait de participer ? « Impossible, répond Benito. C'est une tradition que l'on inculque dès l'enfance... Même les jeunes générations, à partir de 18 ans, participent au tequio. »
«Être indien était une honte »
Loin d'être en voie de disparition, ces « us et coutumes » ont été renforcés par la mondialisation. « Les Zapotèques se sont aperçus qu'ils n'étaient pas isolés et qu'ils partageaient un ensemble de valeurs avec d'autres peuples indigènes, remarque l'anthropologue Manuel Rios. Pendant longtemps, être indien était considéré comme une honte... Aujourd'hui, c'est le contraire : leur sens de l'organisation et leur relation privilégiée avec la nature sont devenus des atouts. » Des traditions que les habitants de Latuvi tentent de cultiver, même si les déplacements en ville, de plus en plus fréquents, les ont fait évoluer. La langue zapotèque est encore parlée par la moitié du village. Les marchands ambulants, autrefois les seuls étrangers à s'aventurer dans ces montagnes, sont rejoints par les écotouristes, accueillis dans des cabanes communautaires. La guérisseuse traditionnelle, dont les ordonnances ne sont composées que de prières et de plantes médicinales, doit partager ses patients avec un médecin résident, fraîchement sorti de l'université.
Même la fête du village, rythmée par des processions pas très catholiques de poupées géantes, s'adapte aux temps nouveaux. Depuis deux ans, elle se célèbre sans mezcal, cet alcool d'agave dont quelques verres suffisent à abattre les plus robustes. « Les ivrognes affalés dans les rues donnaient une mauvaise image de Latuvi, sans compter avec la violence au sein des familles... Alors nous avons interdit le mezcal au village », martèle Artemio. Un autre règlement communautaire, dont on ne trouvera aucune trace dans la législation mexicaine, permet chaque nuit de barrer les accès routiers par des chaînes. Tous les soirs aussi, une patrouille parcourt les rues afin d'assurer un juste repos aux citoyens. Armés d'une seule lampe de poche, ces policiers sans uniforme n'ont jamais besoin de renforts pour se faire obéir : « Nous sommes désignés par l'assemblée du village, rappellent-ils, et personne n'oserait se dresser contre elle. »
L'exil américain
Comme Malachie et Rosa le soulignaient, « le village s'est amélioré ». Pourtant, comme il y a trente ans, les jeunes continuent à s'exiler pour Oaxaca, Mexico ou Monterrey, la capitale industrielle du pays. Et bien sûr pour l'Amérique, qui ne cesse de faire rêver Latuvi. « Chaque année, entre dix et quinze jeunes partent pour la Californie, soit la moitié d'une génération », soupire Artemio. L'exode, qui rend de plus en plus difficile l'organisation du tequio, a parsemé le village de belles maisons inachevées à étage, avec des vitres fumées et des piles de parpaings qui s'entassent devant l'entrée. « On les appelle les maisons fantômes, explique Braulio, un natif de Latuvi coiffé d'une casquette du club de basket de Los Angeles Lakers. Les migrants les font construire depuis les États-Unis... mais ils ne rentrent pas. »
Ce maçon aux larges épaules a choisi de revenir il y a plus d'un an, après deux séjours clandestins aux États-Unis. « On ne part pas là-bas pour faire du tourisme, plaisante-t-il. Il faut travailler du lundi au dimanche, neuf ou dix heures par jour. Il n'y a pas de sorties, pas de loisirs, mais ça vaut la peine, poursuit-il en faisant visiter sa villa de quatre chambres, bâtie en bas de Latuvi. Au Mexique, même après une vie de travail, je n'aurais jamais pu me l'offrir. » La migration sait aussi se montrer généreuse. « Même là-bas, on n'oublie pas le village, rappelle Braulio. À Los Angeles, une soixantaine de chefs de famille de Latuvi se retrouvent tous les deux mois dans un parc pour échanger des nouvelles et parler du pays. On fait parvenir notre contribution à la commune pour compenser les tequios que l'on ne peut pas faire. Et bien sûr on envoie de l'argent aux femmes, tous les mois. »
Cet afflux de dollars a amélioré la vie quotidienne des habitants de Latuvi mais n'a pas arrêté le flux migratoire. Passer la frontière est une tradition qui remonte aux années quarante, quand les États-Unis invitaient des travailleurs mexicains à participer à l'effort de guerre. Aujourd'hui, les jeunes du village connaissent mieux le marché du travail de Los Angeles ou Oakland que celui d'Oaxaca ou Mexico. Pour Valeria Isunza, qui prépare une thèse sur les « pueblos mancomunados » (voir encadré), la migration est devenue une nouvelle tradition, voire un rite de passage : « Traverser illégalement la frontière des États-Unis est une manière de montrer que l'on est un homme, et revenir avec de l'argent est un moyen de s'affirmer au sein de la communauté. »
La principale cause de l'exil reste identique à celle qui a poussé Malachie et Rosa à partir il y a plus de trente ans : « Luchar por la vida »... la lutte pour la vie. L'expression revient comme une antienne dans la bouche de ceux qui vont partir, ou qui sont déjà revenus, tous attirés par ce « Norte » où l'on gagne en une heure le salaire d'une journée au pays. La vallée de Latuvi a beau être irriguée par des torrents qui descendent été comme hiver de la montagne, ses champs compter parmi les plus fertiles de l'État d'Oaxaca, vivre des fruits de la terre y est toujours aussi difficile.
Fermes en ruine
« Nous habitons un pays riche, mais nous sommes restés pauvres », résume Eligio, un vieux paysan installé depuis des lustres dans le hameau d'El Manantial, perdu au fond d'un chemin herbeux. Assis dans sa maison aux planches disjointes, Eligio peine à énumérer toutes ses récoltes : maïs, haricots, courgettes, pastèques, pois chiches, pommes, pêches... « Tout ça pousse sans engrais, grâce à Dieu, mais le problème c'est la vente », soupire-t-il. Une plainte qui se répète dans toutes ces fermes isolées où seuls les anciens, comme enracinés, arrivent encore à survivre. Leurs parents, depuis des lustres, allaient à dos d'âne vendre leurs produits au marché de Teotitlan del Valle ; un bourg situé mille mètres plus bas, dans un paysage d'herbe rase et de cactus, où l'on parle un autre dialecte zapotèque et où il faut avancer sa montre d'une heure... Un autre monde. « Maintenant, on peut y aller en autobus une fois par semaine mais rien n'a changé, maugrée Eligio. Personne ne nous achète notre production en gros, nous sommes trop loin. »
De sa fenêtre, Eligio a vu les fermes les plus isolées tomber en ruine, mangées par la végétation. Près du chemin et près de la nouvelle ligne électrique, des maisons fantômes ont poussé, habitées le temps d'un été par des enfants au drôle d'accent gringo. Il ne peut alors s'empêcher de penser aux siens, dont la photo orne le seul meuble de sa maison : Mathias et Romero sont aussi partis aux États-Unis et aujourd'hui, cela fait tout juste un an.
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