USA armes
Courrier international ÉTATS-UNIS • Le premier marchand de canons de la planète | |||||||||
Personne ne semble y prêter trop d'attention, mais la principale exportation des Etats-Unis est également la plus meurtrière. | |||||||||
Ventes d'armes : depuis 2001, le total des ventes d'équipements militaires américains atteint chaque année de 10 à 13 milliards de dollars. Ce qui fait beaucoup d'armes. Mais durant l'exercice 2006, le Pentagone a battu son propre record, pourtant récent, et signé des contrats de ventes d'un montant de 21 milliards de dollars. Ventes de missiles surface-air : de 2001 à 2005, les Etats-Unis ont livré 2 099 systèmes d'armes surface-air comme le Sparrow et l'AMRAAM à des pays du monde en développement, soit 20 % de plus que la Russie, le deuxième plus grand fournisseur. Ventes de bâtiments de combat : pendant la même période, Washington a envoyé dix "grands bâtiments de combat", tels que porte-avions et destroyers, à des pays en développement. Collectivement, les quatre principaux producteurs européens en ont livré treize. Formation militaire : un empire prudent sait qu'il ne suffit pas de distribuer des armes. Il faut également apprendre aux gens à s'en servir. En 2008, le Pentagone prévoit de former les armées de 138 pays, à un coût de près de 90 millions de dollars. Aucun concurrent n'affiche un tel résultat. Soyez en sûrs, à travers le monde, les gouvernements, bien souvent occupés à s'entre-déchirer, continueront de vouloir des armes américaines longtemps après que leurs populations se seront dégoûtées d'une gamme de produits de consommation américains autrefois dominants. Defense News, une publication spécialisée, signale ainsi que la Turquie et les Etats-Unis ont signé un accord d'une valeur de 1,78 milliard de dollars sur la fourniture d'avions de combat Lockheed Martin F-16. Or ces avions sont déjà partout. Israël en déploie, tout comme les Emirats arabes unis, la Pologne, la Corée du Sud, le Venezuela, Oman et le Portugal, entre autres. Le fait d'acheter nos armes est l'un des rares moyens de participer effectivement au projet impérial américain ! L'aviation turque aligne déjà 215 chasseurs F-16 et compte acheter 100 nouveaux F-35 JSF (Joint Strike Fighter, chasseur polyvalent avancé) de Lockheed Martin, dans le cadre d'un contrat d'un montant estimé à 10,7 milliards au cours des quinze prochaines années. 10,7 milliards de dollars pour des avions, et, pour un pays situé à la 94e place de l'indice de développement humain des Nations unies, derrière le Liban, la Colombie et la Grenade, et très loin derrière toutes les nations européennes qu'Ankara courtise dans l'espoir de rejoindre l'Union européenne. Une sacrée belle vente à l'Américaine ! Reste que ce secteur est ignoré dans les analystes. Pour sortir de cette paralysie, peut-être faudrait-il cesser de parler des ventes d'armes comme d'un commerce banal et de l'exportation de missiles guidés comme d'autant de gadgets inoffensifs. Peut-être devrions-nous commencer à les aborder dans un langage totalement différent, le langage des stupéfiants. Après tout, que fait un trafiquant de drogues ? Il crée un besoin, puis le satisfait. Il encourage un appétit ou (ce qui est encore plus lucratif) une dépendance, puis l'alimente. Les marchands de canons font de même. Pourquoi les autorités turques, qui comptent déjà 215 chasseurs, ont-elles besoin d'une centaine d'appareils de plus, encore plus sophistiqués ? Elles n'en ont pas besoin, mais Lockheed Martin, travaillant avec le Pentagone, les a persuadées du contraire. Ce ne sont pas de nouvelles lois sur le contrôle de l'armement qu'il nous faut, mais un programme de désintoxication pour une nation qui fournit la came. L'auteur, Frida Berrigan, est membre du Centre de ressources sur le commerce des armes, qui dépend de l'Institut de politique mondiale. | |||||||||
Frida Berrigan Los Angeles Times |
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