Le mythe de la liberté de la presse en France
Les médias sous contrôle de l’État
par Thierry Meyssan*
Les « Occidentaux » ont développé des conceptions différentes de la liberté d’expression et du rôle de la presse, selon l’image qu’ils se faisaient de l’autorité exécutive et de sa légitimité. On peut distinguer quatre grands courants :
Pour les Scandinaves, la légitimité de l’exécutif est subordonnée aux comptes qu’il rend au peuple. Il s’ensuit que la liberté de la presse est définie plutôt comme une liberté d’accès à l’information que comme une manifestation de libre expression. Ainsi, la Suède adopte, le 2 décembre 1776, une loi autorisant les citoyens à accéder aux documents officiels. Aujourd’hui, les administrations ont obligation de communication de toutes leurs pièces, sous vingt-quatre heures, sauf réserves exceptionnelles motivées. La lecture des quotidiens est un acte de civisme, elle participe de la surveillance que les citoyens exercent sur le pouvoir et sans laquelle il serait illégitime.
Au Royaume-Uni, l’expression est libre comme le sont les autres facultés humaines. Dès 1662, Charles II, qui rétablit la monarchie après la dictature de Cromwell, se fait le garant de la liberté en abolissant la censure préalable. La presse s’inscrit dans la loi commune et ne fait pas l’objet de textes particuliers.
Aux États-Unis, les Pères fondateurs opposent la liberté à la tyrannie de la Couronne britannique comme à celle de la majorité démocratique. La liberté de la presse est un moyen d’émietter l’opinion publique et de prévenir un totalitarisme de la pensée. Les médias sont appelés à constituer un « quatrième pouvoir ». Le 1er amendement, inscrit dans la Bill of Right du 25 septembre 1789 stipule que « Le Congrès n’édictera aucune loi restreignant la liberté de la presse ».
En Europe du Sud, la liberté d’expression est nécessaire à l’élaboration de décisions raisonnées. Elle s’oppose au pouvoir des clercs qui soumettaient le débat à la connaissance du dogme. Cependant, les révolutionnaires français ne concevaient la liberté comme absolue que lorsqu’elle est encadrée par la loi pour prévenir qu’elle ne soit utilisée par les uns pour en priver les autres. Pour eux, le journaliste est un citoyen comme un autre et son expression n’est légitime que si elle participe au débat démocratique, à la construction de l’intérêt général.
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