La gauche mexicaine mobilise contre la réforme du secteur pétrolier
Le monde
Au cri de "Le pays n'est pas à vendre !", les élus de gauche ont pris d'assaut la tribune du Congrès, jeudi 10 avril, pour protester contre un projet permettant à Pemex, la société nationale de pétrole, de recourir à l'initiative privée. Coiffés de casques de chantier, les députés du Parti de la révolution démocratique (PRD) et de deux autres formations de gauche ont appelé à la "résistance civile pacifique" et empêché l'ouverture du débat sur la réforme.
Au centre de Mexico, 2 000 militantes vêtues de blanc - surnommées les "Adelitas", comme les femmes qui accompagnaient les combattants de la révolution mexicaine - se sont heurtées à un mur de policiers antiémeute. C'est la première fois qu'entraient en action les "brigadistes en défense du pétrole" : 18 000 hommes et 10 000 femmes mobilisés par Andres Manuel Lopez Obrador, candidat de la gauche à l'élection présidentielle de 2006.
Pemex est à la fois une gigantesque "vache à lait", assurant 40 % du budget de l'Etat, et une "vache sacrée" aux yeux de la gauche, qui tire un bilan négatif de la libéralisation économique amorcée dans les années 1980. Conquis grâce à l'expropriation des compagnies nord-américaines en 1938, ce monopole d'Etat est un symbole de la souveraineté nationale.
Le 8 avril, le président Felipe Calderon (droite) a insisté sur le fait que le pétrole resterait le patrimoine exclusif des Mexicains. La réforme se contente de donner une plus grande autonomie administrative et fiscale à Pemex et de légaliser l'achat de services à des compagnies privées, pour l'exploration, le transport ou le raffinage, mais sans leur concéder un partage des risques et des gains ou une participation dans les réserves. "Quelle sera l'incitation pour les partenaires potentiels, si l'on exclut la propriété du combustible ?", s'interroge Juan Pedro Treviño, analyste de la banque HSBC, déçu, comme la plupart des milieux d'affaires, par le manque d'audace du projet.
La gauche voit dans cette ouverture le début d'une privatisation insidieuse. "Au lieu de préserver son pétrole, le Mexique utilise cette ressource non renouvelable comme substitut à une réforme en profondeur du système fiscal, qui garantirait une meilleure répartition des richesses. Cela va seulement consolider une oligarchie, comme avant la révolution", confie l'historien Lorenzo Meyer, l'un des intellectuels qui ont rejoint le front de la "défense du pétrole", au côté des écrivains Elena Poniatowska, Sergio Pitol, Fernando del Paso, Laura Esquivel et Carlos Monsivais.
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