Mexique: Calderon de veut pas de critiques
La presse commence 2008 du pied gauche
RFI
correspondant à Mexico, Patrice Gouy
Une des rares voix critiques de la radio mexicaine a été définitivement censurée. Le groupe mexicain Televisa et l’espagnol Prisa, propriétaire du journal El País et dont le représentant au Mexique est le beau-frère du président Felipe Calderon, ont finalement réussi à faire démissionner Carmen Aristegui, la présentatrice vedette de la Doble U, la radio la plus ancienne et la plus écoutée du Mexique.
Carmen Aristegui ouvrait son micro chaque matin à tous les courants politiques. Une tribune intelligente, critique et démocratique qui depuis des années n’a jamais craint de soulever les lièvres les plus gros. Est-elle allée trop loin en affirmant que la réforme de la loi sur les télécommunications, la radio et la télévision, proposée par le gouvernement, était taillée sur-mesure pour les deux plus importants groupes mexicains Televisa et TV Azteca ?
Journalisme d’enquête
Carmen Aristegui intervient sur tous les sujets avec toujours une information fiable. C’est elle, par exemple, qui a retransmis des écoutes téléphoniques démontrant que le gouverneur de Puebla protégeait les membres d’un réseau de pédophilie internationale. C’est encore elle qui a démontré que l’indigène Ernestina Ascencio avait été violée par des militaires et qu’elle n’était pas morte d’une gastrite intestinale comme le soutient le président Felipe Calderon.
Sans craindre les représailles, elle s’est attaquée à toutes les institutions, de la Cours suprême à la hiérarchie catholique, montrant la collusion qui existe entre les différents pouvoirs. Sous le prétexte « d’un nouveau modèle d’organisation », l’entreprise espagnole Prisa et Televisa, les deux actionnaires de la Doble U, ont demandé à Carmen Aristegui de changer sa ligne éditoriale. Elle a refusé, son contrat n’a donc pas été renouvelé.
Il y a des choses que l’on ne pardonne pas en politique. Le départ de Carmen Aristegui était prévisible depuis juillet 2006. A la veille des élections, c’est elle qui avait dénoncé la relation suspecte entre Felipe Calderon, l’Institut fédéral électoral (IFE) et l’entreprise Hildebrando chargée du réseau informatique de l’IFE dont le directeur était déjà un beau-frère du président. Une suspicion suffisante pour alimenter la rumeur d’une fraude électorale.
Un contrôle plus ferme des médias
A son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Felipe Calderon s’est attaché à faire entrer dans le rang les quelques voix qui critiquent trop fortement sa politique. Pour s’assurer le soutien des grands groupes de radios et télévision, il leur a donné des avantages exorbitants que dénonçait justement Carmen Aristegui.
Pour Lorenzo Meyer, historien de renom, « la liberté d’expression est de plus en plus malmenée ». Par ailleurs, le pouvoir exécutif s’est taillé la part du lion dans la distribution des temps officiels de la télévision et des radios. Felipe Calderon pourra compter sur 600 000 heures de diffusion de spots pour les cinq ans qui viennent. Pour l’opposition, il s’agit d’un arsenal médiatique qui va à l’encontre de la liberté d’expression : une manière légale de faire taire toutes tentatives de critique à l’égard de la politique officielle.
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