Les neocons des cons?
Courrier international "Les néoconservateurs sont faibles idéologiquement" | |||||||||
Professeur à l'Université de Californie à Los Angeles, le sociologue Michael Mann travaille depuis longtemps sur les rapports de puissance. Il a notamment publié une histoire du pouvoir en deux volumes (non traduite en français). Aujourd'hui, dans L'Empire incohérent, il applique sa méthode à une analyse sévère de la politique étrangère des Etats-Unis. | |||||||||
Les néoconservateurs, qui ont inspiré la politique étrangère de George W. Bush, croient que l'on peut développer un empire territorial temporaire. Ils pensent que l'on peut envahir un pays, le reconstruire, changer son gouvernement et puis partir. Ils font tout reposer sur la puissance militaire et négligent les autres formes de puissance. Et, surtout, ils disposent d'un armement de dévastation qui leur est inutile lorsqu'ils doivent entreprendre des actions de police contre des guérillas. Tous les empires de l'Histoire, à commencer par Rome, ont eu besoin d'alliés locaux pour appuyer leur conquête. Or, en Irak, les Américains n'ont pas de vrais alliés locaux. Les néoconservateurs sont faibles idéologiquement. Ils veulent imposer la paix et la démocratie par le militarisme. Avec eux, l'action subvertit les idéaux. Alors que l'Etat-nation reste une réalité au XXIe siècle, l'équilibre des puissances devient défavorable aux grands. Et les Etats-Unis ne sont pas capables de trouver des clients qui peuvent gouverner là où ils étendent leur empire. Mais, aujourd'hui, l'influence des néoconservateurs au sein du gouvernement est en train de diminuer. D'où vient ce militarisme ? Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont fait la guerre de Corée, ont engagé des actions clandestines un peu partout dans le tiers-monde. D'où cette croyance que l'on peut atteindre ses objectifs de manière strictement militaire. Cette tentation s'est accrue après 1989, quand les Etats-Unis sont sortis vainqueurs de la guerre froide. Et les néoconservateurs se disent : "A quoi sert cette puissance si on ne l'utilise pas ?" Enfin, leur montée en puissance au sein du Parti républicain est une question complexe. Elle est liée à l'influence toujours plus importante de la droite religieuse et du Sud dans le parti. Une victoire de John Kerry à l'élection présidentielle changerait-elle le rapport au monde des Etats-Unis ? Au Moyen-Orient, le soutien à Israël est une politique très ancienne, et la sécurisation par la force de l'approvisionnement pétrolier a été initiée par Jimmy Carter. S'ils sont élus, les démocrates vont donc suivre dans les grandes lignes la même politique que les républicains. De son côté, si Bush est réélu, il y a une petite chance pour qu'il cherche une manière de se retirer d'Irak sans perdre la face. Plus généralement, la division entre multilatéralistes et unilatéralistes est quelque peu artificielle. Par exemple, l'ONU a toujours agi avec l'appui des Etats-Unis. Pour le monde, le choix est entre un leadership américain et l'unilatéralisme américain. Si l'Europe veut favoriser le multilatéralisme, elle doit aussi avoir la capacité et la volonté d'agir. Mais, à long terme, avec la montée en puissance de la Chine et de l'Inde notamment, le monde va devenir plus multilatéral. | |||||||||
Propos recueillis par Eric Maurice |
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