Les disparus
PAR Frédéric Vergez
L’Europe connaît assez bien la situation des disparus en Argentine, mais très peu celle que des disparus du Mexique (1). Depuis la fin des années 60, et principalement sous le régime autoritaire du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), ce sont plus de 800 personnes qui ont été déclarées disparues.
Tita Radilla Martinez, Vice présidente de l’AFADEM (2), est venue en France pour rencontrer média, politiques et associations et recueillir des soutiens. Elle témoigne : « Nous avons créé l’AFADEM en 1978. Nous avions besoin de nous regrouper, de nous soutenir mutuellement et de lutter pour la reconnaissance de nos droits ». Cette association de familles des victimes fonctionne sur le bénévolat avec des membres souvent très démunis. « Nous organisons des marches, des grèves de la faim. Nous écrivons des lettres au Président pour que le Mexique reconnaisse enfin la situation des disparus ».
Tita vit dans la région la plus touchée, l’Etat de Guerrero au Sud de Mexico, proche d’Acapulco, où 400 personnes ont disparu. Mais au total, ce sont quelques 600 familles qui ont été touchées par les répressions militaires aux opposants du régime (viols, tortures, emprisonnements abusifs…). Et "il y a encore peu de résultats" doit-elle reconnaître.
Nouveaux espoirs.
Pourtant en 2000, l’élection à la présidence de Vicente Fox, après 65 ans de parti unique autoritaire, avait donné des espoirs quant à l’adoption d’une loi sur les disparitions forcées. La Commission nationale des droits humains (CNDH) avait réalisé une enquête et relevé 143 cas de disparitions. Elle avait présenté les dossiers devant la justice civile qui les avaient transférés à la justice militaire, soi-disant plus compétente. Des organisations comme l’AFADEM s’étaient déclarées opposées à cette procédure car elles jugeaient l’instance militaire trop impliquée. De nombreux procès et jugements ont depuis eu lieu mais aucune peine n’a été appliquée.
L’AFADEM et les familles réclament toujours que justice soit faite et demandent la nomination d’un fiscal, l’équivalent d’un procureur, mandaté pour faire avancer les enquêtes et la loi sur les disparitions forcées. Mais la peur règne et les témoignages sont difficiles à recueillir. Les gens se taisent voire déménagent. De nouveaux cas de disparitions ont encore été recensés ces derniers mois. En novembre 2003, Zaccarias Barrientos a été assassiné. Il était le témoin majeur car il avait travaillé avec les militaires lors des grandes persécutions.
Tita ne désarme pas. Son père a disparu il y a plus de 18 ans et aucune enquête n’a jamais été menée. Avec le soutien de Peace Brigade International, qui assure sa protection, la vice-présidente menacée de mort a réussi à saisir la Cour Inter-américaine des Droits de l’Homme qui a reconnu dernièrement le déni de justice dont elle était victime de la part du Mexique. Elle est en attente aujourd’hui de la décision de la cour.
La reconnaissance internationale, le travail de terrain des militants et les élections présidentielle et législative en 2006 suscitent de nouveaux espoirs. Et même si les proches de Tita s’inquiète pour son retour, elle fait montre d’une constante détermination. « Je reste confiante et croit en la justice et à tout le travail que nous faisons depuis des années ».
(1) Lire aussi : "Rosa et les loups", Stéphane Fernandez, in Messages du Secours catholique/Caritas France, n°591, mai 2005 (2) AFADEM : Asociación de Familiares de Detenidos, Desaparecidos y Víctimas de Violaciones a los Derechos Humanos en México
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire