Pourquoi le Hummer nous fait perdre la guerre
L'ex président Vicente Fox est un fou amoureux des hummers, il en possède deux..... de douteuse provenance, mais derrière cet véhicule mythique on à plein des histoires....
La bonne vieille Jeep était simple, maniable, fiable, alors que le Humvee – Hummer dans sa version civile –, censé aujourd'hui la remplacer, se révèle cher, grossier, insatiable. Pour le dessinateur et chroniqueur Jeff Danziger, cela en dit long sur l'Amérique d'aujourd'hui.
"The War", une série documentaire qui passe sur American Public Television, retrace l'histoire de la Seconde Guerre mondiale en faisant appel aux mots et aux souvenirs d'un groupe d'anciens combattants. Quand on voit ça, on ne peut pas s'empêcher de faire une comparaison avec le temps que nous avons passé en Irak. Les anciens de la Seconde Guerre mondiale – ils ont aujourd'hui des visages ridés et marbrés sous une couronne de cheveux blancs – dégagent une franche simplicité quand ils évoquent dans un langage direct les passions et sacrifices consentis entre 1940 et 1945. Ils nous évoquent le prix élevé payé par les gens ordinaires. Sur une photo de l'époque, des soldats américains souriants se tiennent debout autour d'un des symboles de la guerre, la bonne vieille Jeep, simple, cahotante, et fiable.
Je ne sais pas pourquoi, mais ceci m'a frappé quand j'ai songé à la guerre d'aujourd'hui. En Irak, nous n'avons pas de Jeep, nous avons le Humvee, un gros véhicule peu maniable, cher et compliqué, manifestement conçu par des gens qui n'auraient pas à le payer. Malgré son poids et sa taille imposante, le Humvee n'offre aucune protection contre les mines ou les bombes artisanales. Avec l'ajout d'un blindage, le coût de chaque unité risque d'approcher les 100 000 dollars.
En
Le Hummer, la version civile du Humvee qui circule sur les routes d'aujourd'hui, n'est aimé de personne. Même ses propriétaires reconnaissent regretter profondément de l'avoir acheté quand ils voient l'aiguille de la jauge foncer vers le zéro. Le Hummer 3, le petit nouveau de la gamme, conserve le look de voyou qui caractérise cette marque. Plus important, le Hummer en dit long sur son propriétaire. Pour acheter et conduire un véhicule de cette taille et de ce prix, il faut être légèrement fou et peut-être souffrir d'une sorte de bizarre complexe militaire. Qu'est-ce qu'on cherche à prouver ? Cette voiture est en elle-même gargantuesque et historiquement déplacée. C'est l'Amérique dans toute son horreur. Elle prend trop de place, consomme trop de carburant, fait un vacarme phénoménal même à vitesse moyenne et tourne à la mauvaise plaisanterie. Pendant les quelques mois qui ont suivi le début de la guerre, le Hummer équivalait à une déclaration patriotique, une marque de confiance dans les capacités de l'armée au Moyen-Orient. Mais cette époque est révolue.
La plupart des Américains ne connaissent vraiment pas la guerre. Mais rouler en Hummer peut procurer aux fans de batailles un petit frisson par procuration. En se rendant au golf, le propriétaire peut s'octroyer quelques minutes à la Walter Mitty [le fameux personnage de James Thurber qui vit dans un monde imaginaire] et patrouiller dans Bagdad sans subir la résistance irritante des chiites et des sunnites. Bien entendu, la comparaison s'arrête là. Le Hummer est équipé entre autres de climatisation avec capteurs de température extérieure, de plafonnier à extinction progressive, de verrouillage des portes à distance, de sièges à assise réglable, de liseuses, d'une sono à six haut-parleurs, d'un système à commande vocale et (merci, mon Dieu) de miroirs de courtoisie personnels. On ne va tout de même pas aller au front avec le gloss de travers. Le message, c'est que la guerre imaginaire doit être aussi confortable que possible. C'est le véhicule du patriote américain moderne : tout dans l'apparence, et pas de sacrifice. C'est l'idée de la guerre de Dick Cheney.
Une Amérique plus simple est allée à la guerre avec la simple Jeep et a gagné. La version d'aujourd'hui est lourde, chère et consomme trop. Et nous perdons. Même s'il faut être prudent avec cette comparaison, on peut quand même en tirer quelque chose. Les Jeeps de 1940 étaient bruyantes, mal suspendues, poussiéreuses, froides en hiver et brûlantes en été. Elles n'avaient pas de sièges réglables ni de miroir de courtoisie. Mais quand on en conduisait une, ne serait-ce que sur quelques kilomètres, on avait une idée de ce qu'était la guerre. Enfin, si c'était ce qu'on voulait vraiment.
Jeff Danziger
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