Il s'appelait Aldo Zamora
L'abattage illégal menace la forêt mexicaine
Il s'appelait Aldo Zamora. Cet horticulteur de 21 ans voulait sauver les forêts de San Juan Atzingo, une région protégée, mais mise en coupe réglée par une mafia de bûcherons. Ils l'ont tué par balles, le 15 mai, blessant aussi son jeune frère. Un mois plus tard, les meurtriers sont toujours en fuite. Ce drame a choqué l'opinion mexicaine, de plus en plus sensible aux questions d'environnement.
Lundi 11 juin, un millier de soldats et de policiers ont été déployés dans la zone concernée. Pour Greenpeace, ces mesures sont un signal bienvenu, après une trop longue période d'indifférence. Dans une lettre adressée, le 17 mai, au président mexicain Felipe Calderon, l'organisation écologiste rappelle que la région des lagunes de Zempoala, près de la ville industrielle de Toluca, au nord-est de Mexico, fait partie des "quinze zones critiques du pays", où se concentrent 60 % de l'abattage illégal d'arbres.
Il s'agit pourtant d'une réserve fédérale dont dépend l'alimentation en eau de millions d'habitants, souligne Raul Estrada, de Greenpeace. "Nous avons emmené des journalistes en avion, pour qu'ils voient l'accélération du déboisement et l'assèchement des lagunes", ajoute-t-il. Or les forêts du massif de l'Ajusco et du parc de Zempoala rechargent les nappes souterraines d'où sont extraits les trois quarts de l'eau bue dans la capitale.
Responsable des biens communaux à San Juan Atzingo, Idelfonso Zamora, le père de l'horticulteur assassiné, dénonce, depuis 1998, les trafiquants de bois. En décembre 2005, avec d'autres membres de son village, il avait déposé une plainte appuyée par des photos et des vidéos montrant une bande organisée capable d'abattre et de débiter de grands arbres en moins d'une heure, avant de les transporter sur des camions.
Cinquante-sept individus, appartenant à deux familles, avaient pu être identifiés. Mais, en février, le juge fédéral de Toluca chargé de poursuivre ce type de délits a refusé de délivrer des mandats d'arrêt, et même de lire le rapport de 900 pages.
Les menaces de mort se sont alors multipliées contre la famille Zamora. Fin mai, la façade de la mairie a été mitraillée. "Si je me dégonflais aujourd'hui, c'est comme si la vie de mon fils ne valait rien", affirme Ildefonso Zamora.
La mort d'Aldo Zamora a coïncidé avec le lancement par le gouvernement mexicain d'un plan contre le réchauffement climatique. Le Mexique figure parmi les quinze principaux producteurs de gaz à effet de serre et se situe au troisième rang mondial pour le déboisement. "Les gens perçoivent les effets négatifs sur le climat. Nous sommes aussi influencés par le débat qui s'est ouvert aux Etats-Unis, et je crois que Calderon veut s'attaquer sérieusement au problème", déclare Victor Lichtinger, ancien ministre de l'environnement.
POUBELLE POUR DÉCHETS INDUSTRIELS
Selon lui, la pénurie d'eau a un impact fort sur l'opinion. Les volumes disponibles ont baissé de moitié par rapport à 1970. La situation se tend toujours davantage dans la région de Mexico, mais aussi dans des zones touristiques comme la Basse-Californie du Sud, où les autorités envisagent de dessaler l'eau de mer pour approvisionner les complexes hôteliers.
Début juin, les habitants de douze communautés indigènes de l'Etat de Morelos se sont violemment heurtés à la police, alors qu'ils manifestaient contre un projet immobilier qui risque d'assécher les réserves en eau non contaminée. "Nous sommes entourés de quatre piscines publiques, mais nous devons acheter de l'eau apportée par camion-citerne", ironisait un manifestant.
Dans l'Etat de Puebla, au sud-est de la capitale, le lac réservoir de Valsequillo est une poubelle pour déchets industriels dangereux. Un chercheur a constaté que 25 % des enfants d'un village riverain, dont le sang présentait des taux élevés en plomb, souffraient de malformations congénitales. Le gouverneur de Puebla, Mario Marin, a attribué celles-ci aux mariages consanguins : l'eau de Valsequillo provoque "seulement la leucémie", a-t-il affirmé.
La population mexicaine se plaint aussi de la négligence de la Pemex, la société nationale d'hydrocarbures, dont les "cimetières" de boue contaminée, disséminés dans la nature, polluent les nappes phréatiques.
Dans l'Etat de San Luis Potosi, au centre du pays, un groupe d'opposants s'efforcent, depuis des années, de bloquer les activités de la mine San Xavier, propriété de la compagnie canadienne Metallica Resources, qui, depuis janvier, démolit à l'explosif le mont San Pedro, patrimoine écologique et historique. Pour en extraire des métaux précieux, elle utilise des millions de litres d'eau et une technique très nocive, à base de cyanure, interdite dans le reste du monde industrialisé. Là aussi, il y a eu mort d'homme : celle d'un maire hostile au projet, abattu d'une balle dans la tête, en 1998.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire