Avé Bush, europei te salutant
Courrier international | |||||||||
Pour sa visite en Europe, le président des Etats-Unis est accompagné par un dispositif - entre le personnel civil et militaire - inédit depuis les temps de l'Empire romain et digne d'un césar. | |||||||||
Lorsque le président des Etats-Unis bouge, lorsqu'il se déplace aux confins de l'empire, 850 personnes se déplacent avec lui. Six pays en l'espace de sept jours, ce voyage jusqu'aux frontières les plus lointaines de l'occident américain aura entre autres destinations la Pologne, la Bulgarie et l'Albanie. L'effort fourni pour assurer la sécurité de l'homme le plus puissant du monde est sans commune mesure. Seuls les voyages des empereurs romains pourraient, à la rigueur, souffrir la comparaison. Il y a de cela dix-huit siècles, avant le départ de l'empereur, on envoyait sur les lieux du voyage des "mensores" chargés de se procurer les provisions et d'organiser la sécurité. Aujourd'hui, des cargos militaires transportent les véhicules de la "security" et un stock suffisant de nourriture pour confectionner 2 000 repas chaque jour. Toutes les provisions ont été achetées anonymement dans des supermarchés américains par des agents en civil : personne ne doit savoir quelle nourriture sera servie au président et à sa suite. Des avions sont sortis des hélicoptères, une douzaine de 4x4 des services secrets et les limousines présidentielles munies de vitres blindées de presque 8 cm d'épaisseur. Dans un livre publié récemment sous le titre Are we Rome ? ["Sommes-nous Rome ?], l'auteur, Cullen Murphy, ancien directeur de l'hebdomadaire The Atlantic Monthly, raconte qu'il y a presque deux mille ans un anneau de sécurité formé de cercles concentriques de défense était bâti autour de l'empereur : à l'avant-poste, les hommes de troupe, puis les légionnaires et les gardes du corps impériaux, et, enfin, les "protectores". A Prague, le cercle restreint autour de Bush est constitué de 250 agents secrets du Secret Service ; autour de ce premier cercle, se trouvent les hommes du groupe antiterroriste tchèque Urna et des tireurs d'élite ; le troisième cercle est formé de 1 500 policiers. A Heiligendamm, la ville sur la côte balte allemande où se tiendra le G8, les 6 et 7 juin, deux sous-marins nucléaires américains croiseront au large de la côte. Dans les aéroports de chaque ville, des batteries de missiles sol-air devraient conjurer d'éventuelles attaques aériennes. L'empereur romain état accompagné d'un "comitatus", un comité composé de plusieurs milliers de personnes : ministres, secrétaires, conseillers, interprètes, messagers, cuisiniers, eunuques et esclaves. Dans la caravane aérienne, partie de la base aérienne de Andrews, en Virginie, et arrivée hier soir à Prague, George W. Bush était accompagné de toute son équipe : des conseillers, des diplomates, des médecins, des gardes du corps, des porte-parole et des cuisiniers. Pour les urgences médicales, il y a une salle d'opération volante, où sont conservées des poches de sang du même groupe sanguin que celui du président. Air Force One est toujours précédé d'un avion militaire Hercules – qui sert à intercepter n'importe quel signal et à protéger les communications – et suivie d'Air Force Two, l'avion de réserve. A Rome, où Bush séjournera du 8 au 10, des quartiers entiers, depuis le Trastevere, seront barrés ; en tête et en queue du cortège présidentiel prendront place les fourgons des brigades spéciales de la police italienne. Les motocyclistes de la police ouvriront le cortège. Le 10, Bush séjournera à Tirana pendant sept heures. Jeudi 31 mai, le Parlement albanais a dû approuver une loi qui autorise plus de 500 marines à débarquer en Albanie et à employer la force "de façon proportionnelle à toute éventuelle menace". Dimanche, la Garde républicaine albanaise – la force d'élite qui escorte d'ordinaire les leaders étrangers – devra être désarmée. Le gouvernement a même accepté de voter un décret selon lequel les seules personnes autorisées à être armées seront les soldats et les hommes des services secrets américains. Cette décision a soulevé un certain nombre de critiques : 53 parlementaires ont refusé de la voter et sont sortis de l'Hémicycle. On a parlé d'humiliation, et le journal le plus vendu dans le pays a même titré en une : "Messieurs les Américains, s'il vous plaît, occupez-nous." |
Mario Calabresi
La Repubblica
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